Droit successoral français et la famille du 21e siècle

Publié le : 08 septembre 20209 mins de lecture

De nos jours, peu de familles ressemblent exactement à la famille nucléaire / traditionnelle que le Code civil français cherche à protéger avec ses lois successorales strictes – souvent appelées « règles de succession forcée ». La protection ancrée des enfants domine ce domaine du droit français. La protection est cependant réservée aux enfants naturels et adoptés. Les beaux-enfants ne bénéficient pas du statut d ‘ « héritier réservé ». Les réformes introduites dans le droit successoral français en 2007 signifient qu’il y a plus de flexibilité aujourd’hui qu’auparavant, mais il n’y a en fait pas eu de changement dans les principes sous-jacents.

Nouveau règlement en vigueur en août 2015

Les propriétaires de biens immobiliers en France peuvent avoir pris connaissance d’une réglementation européenne adoptée en 2012 par la majorité des États membres de l’UE (à l’exception du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark). Ce règlement prévoit qu’à partir du 17 août 2015, la loi applicable au décès d’un ressortissant de l’UE sera la loi de l’État de résidence habituelle du défunt au moment de son décès. Cependant, les individus auront la possibilité de désigner à la place la loi de l’État dont ils sont ressortissants.

Comme le Royaume-Uni a, pour le moment, choisi de ne pas adhérer à ce nouveau règlement, il est prévu que les résidents britanniques seront toujours soumis à la loi française pour leur propriété française. À partir du 17 août 2015, les ressortissants britanniques résidant en France pourront choisir la loi qu’ils souhaitent appliquer à leur succession et pourront opter pour le droit britannique pour régir leur succession, échappant ainsi aux règles d’héritage forcé. Bien que cela puisse à première vue séduire de nombreux ressortissants britanniques, le problème est que les droits de succession français continueront de s’appliquer. En tant que tel, si un ressortissant britannique choisit de laisser tout ou partie de sa succession à un partenaire non marié, un ami et / ou un beau-fils, un impôt au taux de 60% sera prélevé sur la valeur de la succession ou d’une partie de la la succession que reçoit le bénéficiaire.

Pour l’instant, cependant, nous examinerons le droit successoral français en vigueur et les différents outils de planification successorale disponibles pour assurer la répartition des actifs d’une famille moderne au gré du ou des propriétaires.

Options de planification successorale en français

Le recours à une clause tontine est un moyen établi de longue date pour s’assurer que la propriété française peut passer à un copropriétaire survivant (qu’il soit marié, non marié ou en partenariat civil). Au décès du premier copropriétaire, le bien sera réputé appartenir uniquement au survivant. La tontine ne concerne que l’immobilier français. Il ne s’applique à aucun autre patrimoine susceptible d’être soumis à la loi française au moment du premier décès. Une disposition tontine doit cependant être incluse dans l’acte d’achat de propriété au moment de l’achat initial. Il ne peut pas être ajouté plus tard. Si cela protège le copropriétaire survivant, une telle clause a pour effet de déshériter les enfants du premier décédé.

L’adoption de ce que l’on appelle un régime de mariage communautaire universel est un autre moyen de protéger un copropriétaire survivant. Une telle option n’est cependant disponible que pour les couples mariés. Il peut être mis en place pour couvrir tous les actifs détenus par le couple (s’ils sont domiciliés en France) ou il peut être limité uniquement à l’immobilier français (comme c’est le cas pour les conjoints domiciliés au Royaume-Uni). Ce régime a pour effet de prévoir qu’au décès du premier conjoint, la propriété passera au conjoint survivant. Il est plus adapté à une famille où il n’y a pas d’enfants non mariés, car ces enfants hériteront toujours de leur parent survivant en temps voulu (en supposant que l’actif français soit toujours détenu au décès du deuxième parent).

S’il est encore possible de mettre en place un tel régime matrimonial lorsque le couple a des enfants de mariages précédents, les enfants du premier conjoint décédé sont déshérités au décès de leur parent. Les enfants déshérités ont le droit de contester l’option de la communauté universelle pour recouvrer leurs droits perdus. Le risque de contestation doit donc être pris en compte avant l’adoption de ce régime matrimonial et le notaire veillera à ce que les risques soient bien compris.

Alors, quelles autres options existent ? Les réformes successorales françaises de 2007 ont introduit le pacte familial (pacte de famille ou pacte successoral). Il s’agit d’un arrangement qui peut être mis en place par un acte rédigé par un notaire en France. Il crée une flexibilité pour les familles avec beaux-enfants leur permettant de faire varier les restrictions successorales françaises afin de mieux protéger à la fois le conjoint survivant et les beaux-enfants. Les familles peuvent utiliser un tel pacte pour organiser la propriété de leurs biens français par exemple en convenant qu’au décès du premier conjoint ses enfants d’un précédent mariage renoncent ou reportent leur droit d’hériter d’une part des biens de leur parent décédé en faveur de leur beau-père ou de leur belle-mère… Si les relations entre les membres de la famille qui comprend les enfants d’un précédent mariage sont bonnes, cela peut être efficace pour éviter les conséquences des règles strictes d’héritage forcé.

Un autre mécanisme de planification successorale existe et est souvent recommandé aux familles où l’un des époux a des enfants d’un précédent mariage et l’autre pas ou où il n’y a pas d’enfants et le couple souhaite que ses propres parents de sang héritent finalement de leur succession. Ceci peut être réalisé en rédigeant un testament français qui comprend un héritage résiduel ou progressif. Un individu sans enfant a la liberté de laisser son ou ses biens français à qui il le souhaite. Un testament peut être fait en faveur de son conjoint à condition qu’au décès subséquent du conjoint survivant, la part de la maison française appartenant à l’origine au premier conjoint revienne à celui que le premier conjoint désigné comme bénéficiaire résiduel ou graduel. Des avantages fiscaux similaires s’appliquent à tout actif laissé à un bénéficiaire résiduel du premier conjoint, à condition qu’il soit un parent de ce conjoint.

La différence entre les legs résiduels et progressifs est que lorsqu’un héritage résiduel est spécifié, le conjoint survivant n’a aucune obligation de conserver les actifs pour le bénéficiaire résiduel et ce dernier ne recevrait donc que ce qui lui restera (le cas échéant) au décès de le conjoint survivant.

En revanche, lorsqu’un héritage progressif est donné, le conjoint survivant ne peut pas vendre le bien et ne peut continuer à l’utiliser et à en jouir qu’au cours de sa vie. À son décès ultérieur, le bénéficiaire désigné de l’héritage progressif recevra l’actif (ou une part de celui-ci) comme s’il héritait du propriétaire d’origine et si le bénéficiaire est un parent du propriétaire d’origine, des abattements fiscaux préférentiels et des taux d’imposition s’appliquent.

Organiser les bénéficiaires de votre décès est un sujet complexe et les différentes options décrites ci-dessus ne sont qu’un aperçu de ce qui peut être envisagé. Les explications données ne sont cependant pas exhaustives et des conseils professionnels doivent être pris pour vous assurer de bien comprendre les dispositions et les conséquences juridiques et fiscales de chaque option.

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